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Interview de Bernard Lotti

Comédien au Théâtre de l’Instant

vendredi 2 mai 2003

BL : "Je fais du théâtre à Brest, et ailleurs. J’ai fondé le Théâtre de l’instant il y a 25 ans. Il se trouve maintenant à Kérinou.

On a joué dans toute sorte de salles et inventé de nouveaux lieux avant de se retrouver ici : l’Avenir Saint-Martin, des gymnases, le Mac Orlan, les patronages laïques et les centres sociaux, l’Auditorium, le Stella, l’Amphi U, les places des marchés, la salle Max Jacob de l’ancien Palais des Arts, le petit théâtre du Quartz, le parc des expos, la place de la Liberté, la salle Cerdan, le Cabaret du Port...

On a donc joué un peu partout puisque le Sélect n’était qu’un lieu de répétitions jusqu’aux années 90 : il n’était pas aménagé, il n’y avait pas de gradins, rien (on l’appelait "le frigo"). À partir de 1992, on l’a ouvert de temps en temps au public, d’abord pour des spectacles de genre cabaret. On travaille dans l’aménagement actuel depuis cinq ans. La salle est petite, de 120 à 140 places, mais avec un grand plateau.

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Théâtre de l’Instant

Maintenant, à Brest, on joue ici, dans notre lieu. On peut présenter des spectacles sur plusieurs semaines ; dans notre ville, on a toujours joué des grandes séries, ça donne une présence et ça permet à un spectacle d’exister."

RDP : Vous êtes brestois ?

BL : "Oui, d’origine italienne par mon père et bretonne par ma mère. Mon père a travaillé toute sa vie sur le port de commerce. J’ai donc grandi à Brest. J’aime cette région et je la trouve magnifique .
Il est difficile de faire s’installer des gens ici. Il y a un déficit d’image de cette ville. On dit toujours que c’est la fin de la terre mais non ! C’est un cul-de-sac, quand on vient de la terre. Mais de la mer c’est le début de la terre !
L’image de Brest est celle d’une ville où il pleut tout le temps mais tant pis... ou tant mieux. On ne va pas se battre là où l’on ne gagnera jamais. Battons-nous sur ce qui vaut la peine. Et puis, ce n’est pas plus mal qu’il pleuve, soi-disant, tout le temps ; sinon ce serait la côte d’azur et ce serait infernal !
Il y a bien d’autres villes en France qui ne sont pas très attirantes au premier abord. Pour moi une ville portuaire est toujours attirante. J’y trouve une respiration particulière."

RDP : que pensez-vous de l’ouverture de la Penfeld à Brest ?

BL :"La Penfeld peut aider à faire évoluer l’image de Brest. On peut imaginer un circuit passant par le Musée des Beaux-Arts, rejoignant la Penfeld par l’abri Sadi-Carnot puis le Musée de la Marine ; et enfin, au pied du Château, embarquer pour Océanopolis puis se retrouver au jardin Botanique.
Le Musée de la Marine est installé dans un cadre magnifique avec une vision somptueuse sur la rade. Mais dommage qu’il y ait un nombre trop limité d’œuvres à voir. Peut-être serait-il possible d’emprunter au Musée de la Marine à Paris une petite partie des fonds qui doit dormir dans les caves. Le Musée des Beaux-Arts, lui, aurait bien besoin d’un sérieux lifting. Il n’y a aucune salle -en dehors du hall !- pour les expositions temporaires. On manque trop souvent de recul pour contempler les tableaux et, pour finir, le lieu en général ne respire pas la joie de vivre. Un musée doit être un endroit de désir, encore faut-il lui donner les moyens !
On peut rêver aussi de cheminer, entre les deux musées, par l’abri Sadi-Carnot. Il pourrait sans doute devenir un musée sur Brest, sa destruction, sa reconstruction ; non pas comme une autocélébration nostalgique du passé mais comme haut lieu de la mémoire collective. "

RDP : Avez-vous été contacté pour d’éventuels projets dans la Penfeld ?

BL :"Pas du tout. Je sais où c’est. J’ai regardé, j’ai rêvé à des moments. Et puis j’en suis là. Je ne connais pas plus que ça le dossier et les lieux."

RDP : Vous dîtes y avoir rêvé, quels étaient ces rêves ?

BL : "Et bien pouvoir aller du fond de la Penfeld jusqu’au jardin botanique en bateau. Un bus-bateau, ce serait superbe. Le "vaporetto vénitien" à Brest, en quelque sorte.
Qu’un espace comme celui-là soit redonné à la ville, c’est merveilleux. Cette ville doit se tourner vers la mer. Elle est plus belle quand on la voit de la mer. Il faut aller à Plougastel ou sur l’eau et de là regarder Brest : c’est magnifique. "

RDP : Vous trouvez qu’elle est plus belle de la mer ?

BL :"Oui, mais c’est une ville coupée en deux. On passe sur un pont et l’on aperçoit les belles rives de la Penfeld. C’est incompréhensible et frustrant que l’accès soit interdit, ou alors permis seulement une fois tous les quatre ans, partiellement. À Brest aujourd’hui, pour rejoindre à pied le bord de l’eau il faut vraiment le vouloir. "Récupérer" la Penfeld, c’est "rajouter un morceau de choix" à cette ville. C’est très excitant."

RDP : Qu’est ce que vous y verriez dans la Penfeld ?

BL :"Il ne faudrait pas que chacun y aille de son petit intérêt et de ses petites idées. Ça ne me semble pas une bonne façon d’aborder les choses. Un projet global est nécessaire. Bien sûr, y associer un certain nombre de gens, dans la ville, qui s’y intéressent mais aussi des personnes extérieures qui peuvent avoir un regard moins affectif -et donc plus objectif- sur les choses. C’est tellement grand, on peut tout faire. On a parlé, il me semble, d’un port prestige pour les grands bateaux. Oui, pourquoi pas. À vrai dire, je n’en connais pas assez sur le sujet et d’autre part, j’ignore trop de l’espace dans son ensemble. Tout de même, vu la taille des espaces libérés, c’est un projet d’une grande ampleur. Il ne doit donc pas être l’addition de "petites choses" mais reposer sur une vision d’ensemble."

RDP : Comment vous souhaiteriez que le débat s’organise ?

BL :"Allons voir ailleurs ce qui se fait ; profitons des expériences des autres (par exemple, Rochefort) et inventons ensuite. Il y a deux démarches parallèles. L’une, que les "gens d’ici" qui s’intéressent au projet parlent, proposent, débattent ; l’autre, de solliciter les regards neufs des "gens d’ailleurs". Je crois qu’on a toujours besoin d’une intervention extérieure, elle apporte plus de recul.

Il faudrait donc développer des lieux de discussions, des rencontres. L’association Rue de Penfeld existe ; c’est une force de propositions. Alors pourquoi ne pas créer des groupes de travail, sans tomber dans le "c’est nous qui décidons, c’est nous qui allons faire". Il est temps de développer une réflexion dans des cadres précis entre les différents acteurs."


Propos recueillis en avril 2003 par Barbara Multner pour l’Association Rue de Penfeld

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